Les différences entre l’école française et l’école américaine d’aromathérapie

Depuis que j’ai commencé à m’intéresser à l’aromathérapie, j’ai appris beaucoup. N’ayant pas eu beaucoup de cours là-dessus, lors de mes études de pharmacie, je n’avais pas vraiment de références. J’ai donc commencé par apprendre dans les livres et plus particulièrement à partir des livres en français que je vous ai mentionnés dans mon dernier article. Quand j’ai voulu pousser un peu plus ma connaissance de l’aromathérapie, j’ai commencé à chercher des cours par correspondance. Il y en avait quelques un qui m’ont paru intéressants, mais habitant aux Etats-Unis, j’ai voulu m’orienter vers des cours me donnant à la fin un degrés reconnu aux Etats-Unis : en effet, mon diplôme de pharmacien, n’est pas reconnu, ici aux Etats-Unis. En cherchant bien et en me référant à l’Association NAHA (National Association for Holistic Aromatherapy), j’ai trouvé des écoles agréées et j’ai ainsi pu commencer mon cycle d’étude en aromathérapie et j’ai obtenu ma certification. Je vous expose ainsi les différences que j’ai pu remarquer entre la façon de pratiquer l’aromathérapie en France et aux Etats-Unis.

école américaine d'aromathérapie

Un peu d’histoire

Pour situer un peu cela dans l’histoire de l’aromathérapie, il est important de savoir que l’avènement de l’aromathérapie moderne est partie de la France. Même si l’aromathérapie et l’usage des huiles essentielles étaient répandus pendant l’Antiquité, cette pratique était un peu tombée en désuétude au Moyen Age et à la Renaissance. C’est dans les années 1920, en France, que l’aromathérapie a été remise au goût du jour par un certain René-Maurice Gattefossé. La légende dit que ce chimiste travaillait dans son laboratoire pour l’industrie du parfum quand il se brûlât gravement  les avant-bras. Dans un moment de panique, il ne trouva qu’un bocal d’huile essentielle de lavande pour y plonger ses mains et la douleur disparut immédiatement.

A partir de là et en s’aidant de la pharmacopée (recueil des propriétés thérapeutiques des plantes médicinales) de l’époque, les chercheurs commencèrent à s’intéresser aux propriétés des huiles essentielles obtenues par distillation à la vapeur d’eau. Les français devinrent ainsi les pionniers de l’aromathérapie moderne en réalisant de nombreuses études et recherches sur les propriétés anti-microbiennes des huiles essentielles. Le Dr Jean Valnet, connu pour son livre : l’aromathérapie a été un grand vulgarisation de l’aromathérapie. Puis, Pierre Franchomme et Daniel Pénoel, (co-auteur du livre : l’aromathérapie exactement), ont de leur côté, révolutionné l’aromathérapie par leur approche. Mais tandis que l’un partait vers l’industrie du parfum, l’autre Pénoel, développait une approche originale de l’utilisation des huiles essentielles à travers la peau. C’est surtout l’industrie du cosmétique qui a au début incorporé les huiles essentielles (Décléor).

Du côté anglais, l’aromathérapie s’est développée grâce à une infirmière française. Des figures montantes de l’aromathérapie anglaise, Robert Tisserand, Shirley Price et Valérie Worwood (retenez leur nom, je vous présente très bientôt leurs livres) ont alors largement influencé l’avènement de l’aromathérapie aux Etats-Unis. En effet, ce n’est que tardivement que l’aromathérapie est arrivée aux US dans les années 90. Il y a deux approches de l’aromathérapie aux Etats-Unis :

  • une approche purement commerciale avec l’avènement de deux grosses compagnies à l’histoire plus ou moins controversée (Do Thera et Young Living : 2 compagnies de ventes pyramidales),
  • et une approche fondée sur l’éducation : de nombreuses écoles se sont montées et l’association NAHA a voulu uniformiser la pratique de l’aromathérapie et surtout lui donner une existence légale.

Les Etats-Unis ont donc développé une approche différente : de nombreuses huiles essentielles sont importées d’Europe et leur prix est donc globalement plus élevé.

La réglementation est encore quasi inexistante et le marché a vu fleurir de nombreuses compagnies aux pratiques douteuses.

Le poids de la FDA est aussi bien présent : comme ce sont principalement les spa et les masseurs qui ont utilisé en premier les huiles essentielles, l’utilisation a surtout été focalisée sur l’utilisation dermique et non orale qui est quasi tabous aux Etats-Unis.

On retrouve donc une influence double dans l’approche de l’aromathérapie aux Etats-Unis.

Quelles différences

Il y a donc deux différences majeures dans la pratique de l’aromathérapie aux Etats-Unis :

  • l' »interdiction » d’ingérer », donc d’utiliser par voie interne les huiles essentielles. Cela vient du poids de la FDA : en effet, ingérer les huiles essentielles, les ferait rentrer dans une catégorie différente. Le fait d’ingérer des huiles essentielles est considérer comme un geste médicale, or la profession d’aromathérapeute n’est pas réglementée : n’importe qui peut se déclarer aromathérapeute et donc, elle n’est pas considérée comme une profession médicale. D’autre part, la pratique de l’automédication est encore peu développée aux Etats-Unis, même si on pourrait penser le contraire au vue des pharmacies.
  • l’utilisation en bien moins grande quantité des huiles essentielles. Quand j’ai commencé à étudier cela de plus près j’ai été très interloquée par les dilutions utilisées : tandis qu’en France, on réalisait des solutions huileuses à 50%, rajoutant ainsi plus de 100 gouttes dans 10 ml d’huile végétale, aux Etats-Unis, on en restait à 1% (soit 2 gouttes / 10 ml parfois, 20 gouttes au grand maximum, représentant ainsi une concentration à 10%). Nous étions loin du compte.
  • Quand vous appliquez alors une solution de 5% sur la peau : vous n’avez alors plus à vous souciez de la quantité que vous appliquez sur la peau : les solutions huileuses sont alors appliquées à l’aide d’un roll-on, et non plus à l’aide d’un compte-goutte qui laisse difficilement verser les précieuses gouttes ultra concentrées. L’application est alors plus aisée, elle est ciblée.
  • Enfin, une grande différence entre ces deux écoles d’aromathérapies, est l’approche plus holistique aux Etats-Unis, c’est à dire une approche plus globale de l’individu. Exemple : dans un mal de ventre, on ne va pas juste traiter le mal de ventre avec de l’huile essentielle de basilic ou d’estragon, comme il est souvent décrit dans la littérature française. On utilisera aussi la camomille romaine, par exemple, qui a la double particularité d’être à la fois antispasmodique et relaxante, jouant ainsi à la fois sur le mal de ventre, mais aussi sur le stress que peut avoir occasionné ce fameux mal de ventre et vice versa.

Ce que j’en pense

La différence au début est difficile à appréhender. Je suis restée longtemps sans vraiment appliquer ce principe. Mais peu à peu, à mesure que ma connaissance des huiles essentielles augmentait, j’ai aussi réalisé à quel point, l’approche américaine était intéressante.

  1. On utilise bien moins d’huiles essentielles et c’est toujours ce que j’explique à mes clients : pensez aussi à vous représenter ce à quoi correspond une goutte d’huile essentielle : pour certaines HE, 1 goutte représente déjà une bonne dizaine de fleurs, voire plusieurs kilo de plantes.
  2. Les huiles essentielles sont extrêmement concentrées : quand vous prenez un médicament, le dosage dans un comprimé peut être de l’ordre du milligramme : en fait, tout est dans l’art de trouver la dose efficace minimum pour éviter au maximum de franchir la dose potentiellement toxique. Pour une application cutanée c’est la même chose : quelques gouttes suffisent pour obtenir déjà une efficacité optimale, alors pourquoi faudrait il :
    • surcharger votre organisme qui devra ensuite travailler pour éliminer l’huile essentielle,
    • utiliser tant d’huiles essentielles alors que c’est efficace avec moins.
  3. Je trouve aussi l’approche holistique intéressante : j’ai trop souvent vu des personnes venant de France, enfermé dans les dogmes de l’aromathérapie française et cherchant désespérément du thym à thujanol ou du ravintsara aux Etats-Unis parce que ces deux huiles essentielles semblaient être les seules à pouvoir venir à bout de leur angine ou favoriser leur immunité. Le thym à thujanol est déjà difficile à trouver en France et ne se trouve d’ailleurs qu’à certaines périodes de l’année : il existe des alternatives, pourquoi s’en priver. Quant au Ravintsara, on peut aussi stimuler l’immunité grâce à d’autres huiles essentielles auxquelles on ne pense jamais (comme les huiles essentielles d’agrume, ou l’huile essentielle d’encens).
  4. Enfin, le tout administration orale a ses limites : pourquoi s’embêter à prendre une huile essentielle par voie sublinguale alors qu’il est très facile de traiter directement et surtout plus rapidement : en reprenant l’exemple du mal au ventre : l’administration des huiles essentielles par voie cutanée au regard de l’endroit qui fait mal sera bien plus efficace et rapide que la prise d’un comprimé neutre avec 1 gouttes d’HE. Idem pour le traitement du stress ou des insomnies : la voie olfactive a fait ses preuves, pourquoi prendre par voie orale une huile essentielle, la faire rentrer dans la circulation générales, alors qu’elle a un accès direct dans le cerveau, via le bulbe olfactif.

Malgré cela, je ne rejette pas totalement l’approche française et considère ma connaissance des deux façons de procéder comme une richesse. Dans mes accompagnements, je privilégie bien sûr la seconde mais j’ajoute souvent une touche de l’autre car parfois, l’approche peut être complémentaire.

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